FABLE POUR CEUX QUI CROIENT QUE ÇA N'ARRIVE QU'AUX AUTRES

en direct du monolecte

http://blog.monolecte.fr/post/2006/04/17/198-la-vache

Cette nuit j'ai rêvé que j'étais une vache. Une bonne grosse vache bien grasse

qui broute dans une prairie. Mais une vache qui est quand même moi.

- On est bien ici, me dit l'autre.
- Ouais, mais je ne m'explique pas la présence de ces barrières, je lui répond,
l'air sombre.
- Ben quoi, il y a des barrières, qu'est-ce que tu en as à foutre, du moment que
de ce côté-ci il y a plein d'herbe bien grasse ?
- Ça m'empêche d'aller où je veux, ça me fait chier et je me demande à quoi ça
peut bien servir.
- T'es vraiment rien qu'une parano râleuse, ces barrières, c'est pour nous
protéger des prédateurs, c'est le fermier qui l'a dit.
- Ben voyons... Tu en as vu beaucoup des prédateurs, toi ?
- Non, tu vois bien que c'est efficace.
- Ben moi, je demande à voir.
- T'es vraiment chiante, toi, puisqu'on te dit que c'est pour ta sécurité !

Le temps passe. L'herbe se raréfie. Les hommes du fermier arrivent et commencent
à nous rabattre vers le fond du coral.

- Qu'est-ce qui nous veulent, les autres nazes ?, je demande.
- Ils nous déplacent pour nous mettre dans un nouveau coin herbeux.
- Ah oui ? Alors pourquoi le coin vers lequel ils nous tassent est de plus en
plus petit et qu'on est de plus en plus serrées ?
- Ça doit être pour assurer notre sécurité.
- T'es vraiment con à bouffer du foin, toi ! Il suffirait d'enlever les
barrières pour qu'on passe sur le pré d'à côté.
- On ne serait plus en sécurité.
- Ceci dit, on a pas besoin d'eux, en s'y mettant à quelques unes et en poussant
fort, on pourrait faire sauter les barrières.

Là, c'est tout le troupeau qui me dit que je suis complètement tordue, qu'il est
hors de question d'aller à l'encontre des désirs des fermiers qui savent ce
qu'ils font et que c'est pour notre bien. Je me rappelle juste que c'est aussi
ce qu'on nous avait dit le jour où on nous a choppé l'une après l'autre pour
nous marquer au fer rouge (Mais puisqu'on te dit que c'est pour ne pas nous
perdre !) ou celui où on m'a sorti mon veau du pis, veau que je n'ai plus jamais
revu.

Maintenant, on est super tassés. Il y a comme un mouvement de panique, mais
l'autre tache qui broutait avec moi appelle les autres car elle a trouvé une
sortie, un couloir étroit où l'on ne peut passer que l'une après l'autre.

- P'tain! Dans le genre traquenard, on peut pas faire mieux !
- Ta gueule, toi ! Tu vois bien que les fermiers avaient prévu une sortie.
- Et tu trouves pas ça louche qu'on ne peut y aller que l'une après l'autre ?
- C'est sûrement pour notre sécurité.

Et les vaches s'enfilent tranquillement dans le couloir de contention.

- Hé, les filles, vous ne voyez rien, au bout du couloir ?
- Bof, non, à quoi bon ?
- Ben moi je vois une sorte de maison avec des vaches qui rentrent d'un côté et
des steaks qui sortent de l'autre. En fait, je pense qu'on est en train de nous
tuer pour nous bouffer.
- Arrête ton char, Ben Hur ! Pourquoi ils feraient ça ? C'est monstrueux !
Depuis le temps qu'ils s'occupent de nous, ça n'aurait pas de sens.
- Et le fait qu'ils passent tout ce temps à s'occuper de nous sans rien demander
en échange, comme ça, juste pour le fun, t'as jamais trouvé ça louche ?

Celles qui sont presque au bout du couloir peuvent voir à travers les rabats en
plastique ce qui se passe dans l'abattoir. Elles le racontent aux autres, et ça
provoque une nouveau mouvement de panique. Sauf que nous sommes déjà bien
empêtrées dans la zone de contention et qu'il est vachement difficile de faire
marche arrière.

- Les filles, si on pousse toutes dans l'autre direction, on pourrait péter la
barrière et se tirer de ce traquenard !!!

A ce moment, les gars du fermier nous disent que c'est pas la peine de paniquer,
qu'en fait les meilleures d'entre nous ne risquent rien, on les gardera pour la
reproduction ou le lait, que c'est juste les vieilles, les moches et les
fainéantes qui sont concernées.

Et là, vous me croirez si vous voulez, la panique s'arrête net, les meuglements
s'éteignent d'un coup et les vaches avancent sagement vers l'abattoir. Je me dis
que ce n'est pas possible, que ça n'a aucun sens. Tout le troupeau est en train
de se transformer en Big Mac et il n'y en a pas une qui résiste ou qui proteste
!

Et puis j'ai compris, subitement, ce qui se passait.
Chaque vache, en son for intérieur, était convaincue d'être meilleure que toutes
les autres et avait donc la certitude de passer à travers les mailles du filet.

Et c'est ainsi que la totalité du troupeau a fini entre deux tranches de pain
toasté !

ptin ! excellente, brillantissime métaphore !!




merci GDB de nous faire partager cette perle ..

Agnès Maillard, c'est vraiment excellent et son blog vaut le détour
, j'insiste !!

http://blog.monolecte.fr/


et le final ... c'est exactement ça ..
ce n'est pas tout à fait : "ça n'arrive qu'aux autres" mais ça arrive aux "mauvais" aux" nullos" ...ou "aux moins bons que moi" etc etc etc .
donc moi je suis peinard .... . que je crois !
c'est précisément la que repose la vicelardise de ce système

Citation :

Et puis j'ai compris, subitement, ce qui se passait.
Chaque vache, en son for intérieur, était convaincue d'être meilleure que toutes
les autres et avait donc la certitude de passer à travers les mailles du filet.

soyons teigneux ...Insoumis et Teigneux !

Silver is king, Go Gold !

quelle classe...!!!


Quel style, mélant irréverence, pédagogie, synthèse et humour...


C'est magistral, Bravo et MERCI. à toi et au Monolecte ..ça ferait un excellent tract syndical transposable à des questions comme l'évaluation, les fixations d'objectifs, les plans sociaux, bref...les réformes libérales en général...

A bien des égards, l'incroyable crédulité que véhicule l'espérance est également transposable au drame de la Shoa et des génocides en général... cf les indiens d'Amérique persistant çà raisonner en tribu plutôt qu'en peuple, ... la masse des victimes, coalisée, subirait, certes, quelques pertes (toutes dramatiques) mais emporterait forcément la décision, "l'union fait la force" et rien n'arrête une foule déterminée par un enjeu supérieur...

Bon, je dis ça, je ne dis rien, le Prince Nicolas Machiavele n'avait-il pas banalisé le "diviser pour mieux régner" " Divide ut regnes. " ?

Les restrictions graduelles aux libertées publiques sont TOUJOURS imposées au nom de la sécurité... regardez patriot Act 1 sorti quasiment le 13/11/01...
genre: "Mais non, ce n'était pas près d'avance"... bah si on vous le dit ma bonne dame... et hop, à peine mis en oeuvre, le Patriot Act 2 arrivait dans la foulée... et maintenant, sans commission rogatoire, sans saisine d'un juge, un grand nombre de gens, prétendument bien intentionnés, savent très exactement ce que vous avez emprunté à la bibliothèque...idem pour Echelon, "grâce" auquel nos mails, nos posts et nos coups de fils n'ont aucun secret...mais c'est pour notre sécurité...


130 max sur une autoroute sèche et déserte, comme il y a 30 piges alors que les pneus, l'abs, les ceintures de sécurité av/ar, à enrouleur, prétentionneur, les colonnes de direction retractables, les habitacles indéformables (et les autres progrès issus des crash tests) ont développé la sécurité active ET passive de manière exponentielle et inédite au fil des années depuis la Deudeuche et la 4L...sans même parler de l'air bag...

131 sur autoroute déserte...c'est interdit parce que c'est dangereux pour notre sécurité bien sûr, ...si si, aussi dangereux que 60 kms/h en 4L... quand c'était limité à 130...cherchez l'erreur...
et l'interdiction elle n'est pas du tout décidée et maintenue pour remplir les caisses à coup de radar...ça c'est du mauvais esprit... etc...
Bref, super post...

cette allégorie date de 2006 ... et pourtant ( et c'est là le talent d'Agnes Maillard ), elle est plus que jamais d'actualité !!



merci encore à GDB de nous avoir fait découvrir ceci qui d'ailleurs a fait le tour du net depuis ..sans pour autant donner au blog du monolecte, la notoriété qu'il mériterait

j'insiste donc .. j'y peux rien.. 7 à prendre ou à laisser ..

http://blog.monolecte.fr/



relisez notamment ce passage ...

Citation :

A ce moment, les gars du fermier nous disent que c'est pas la peine de paniquer, qu'en fait les meilleures d'entre nous ne risquent rien, on les gardera pour la reproduction ou le lait, que c'est juste les vieilles, les moches et les fainéantes qui sont concernées.

Et là, vous me croirez si vous voulez, la panique s'arrête net, les meuglements s'éteignent d'un coup et les va.ches avancent sagement vers l'abattoir. Je me dis que ce n'est pas possible, que ça n'a aucun sens. Tout le troupeau est en train de se transformer en Big Mac et il n'y en a pas une qui résiste ou qui proteste !

c'est toujours les autres qui morfleront .. ( le bouc émissaire sacrificiel du moment : au choix == > chomeurs et fonctionnaires féignasses ,bronzés délinquants, retraités, et à présent PIGS, grecs et autres européens 'du prétendu club med" )
nous on est utiles , on travaille, on produit, et on est obéissants ( donc on ne sera pas sacrifiés ...ce serait contre toute logique non??)

Il s'agit bien évidemment d'un troupeau démocratique : les vaches sont régulièrement appelées à choisir leur fermier.

- Pourquoi on vote pour un fermier et pas pour l'une d'entre nous ?
- Comment t'es pas trop conne toi ! tu sais comment ça fonctionne une trayeuse ? eux, ce sont des professionels, formés et attentionnés vis-à-vis de nous. D'ailleurs si notre fermier actuel ne nous plait pas, on en changera à la prochaine élection !
- Mais ils sortent de la même école, l'ENA, l'Ecole Nationale d'Agriculture, le fermier de droite nous dit que la puce RFID injectée dans notre corps c'est pour notre sécurité, moins douloureux que le fer rouge et bien plus pratique : la trayeuse de la société FISC nous reconnait automatiquement et nous pompe juste ce qui convient, pareil pour le bac à avoine, alors qu'on pourrait nous même choisir.
- C'est ce que propose le fermier de gauche : plus de trayeuse et libre accès au bac à avoine. Il conservera la puce RFID car c'est pour notre sécurité. Vote pour lui ! mais je te préviens : l'avoine il faut la payer et la juste ponction de notre lait sert à ça, avec le fermier de gauche on se retrouvera à sec d'avoine et le FMI viendra nous traire au-delà du supportable, on aura mal aux mamelles.
- Je te dis : sans fermier ; sans avoine : on broute comme d'habitude ; sans puce RFID ni barrière : on broute là où on veut ; tout notre lait pour nos veaux.
- C'est du populisme, un retour en arrière, les loups terroristes, cachés derrière leur voile, viendront nous dévorer
- Mais les loups n'existent plus ou peu
- T'es vraiment folle, t'as pas vu sur Télé-Propagande, ni entendu sur Radio-Mensonge ou lu dans Journal-Manipulation qu'au contraire ils étaient de plus en plus nombreux et se rapprochaient de nous ? tu constates bien aussi que, de plus en plus, certaines d'entre nous disparaissent, et ce malgré les mesures de sécurité de notre fermier qu'il nous promet d'ailleurs de renforcer. T'es totalement irresponsable, on voit bien que tu n'as pas de veau. Tu ne devrais pas avoir le droit de vote.

une suite peut- être puisée dans l'actualité?

-" Oui c'est pour notre bien peut-être mais quand même tu ne trouves pas que là ça commence à aller un peu loin? La dernière fois on a du se pisser dessus et comme on n'avait pas atteint notre quota journalier de lait, on a été fouettées..."


- "Mais oui c'est pour notre bien. Comment veux tu que nos patrons nous assurent un avenir si nous ne sommes pas COMPETITIVES? C'est un moyen pour gagner en P.R.O.D.U.C.T.I.V.I.T.E... c'est pas possible t'as jamais suivi le "Séminaire de Management Avancé pour Vache Salariée Motivée et Enthousiaste?"

- "Moi je dis que c'est louche, t'as vu aussi leur train de vie pendant qu'on se fait fouetter?"

- "T'as vraiment rien compris, tu devrais les remercier au contraire, tu connais la théorie de la percolation (eh oui je suis pas une vache conne, moi, j'écoute les économistes à la télé, sur TF1 par exemple ou LCI)? En gros la richesse percole des riches vers les pauvres, donc pourqu'il y ait moins de pauvres faut qu'il y ait plus de riches. c'est quand même simple, non? Même une vache peut le comprendre!"

-"Bon tu dois avoir raison, sinon c'est vrai que je vois pas quel sens il y aurait à subir tout cela..."

-"Ben oui, voyons, ce serait affreux si c'était pas pour notre bien, quand même... Faut pas imaginer des choses pareilles, c'est ça qui te fait encore plus mal que les coups de fouets qui ne sont que des stimuli productifs!"

-"Ouais, bon tu dois avoir raison, en plus, je crois même avoir entendu récemment que chez les humains, ils faisaient ça entre eux de la même manière donc t'as raison, ce doit être une pratique avancée et civilisée... Chuttt! Vlà l'boss!"

Toute ressemblance avec une actu du jour serait évidemment fortuite (tu vas aimer celle-là Sandro!)

http://lci.tf1.fr/monde/europe/2010-05/des-coups-de-fouet-pour-ameliorer-la-productivite-5852260.html

Citation :

Des coups de fouet pour améliorer la productivité...
Par TF1 News (Avec agence), le 13 mai 2010 à 22h40, mis à jour le 13 mai 2010 à 22:46

Cinq responsables d'un call-center près de Florence dans le centre de l'Italie ont été arrêtés pour avoir maltraité une dizaine d'employés, notamment en leur interdisant les "pauses pipi" ou en leur donnant des coups de fouet.

Alors qu'en France, la fessée a fait l'objet d'un âpre débat entre pro et anti, en Italie, les châtiments corporels ont été réintroduits dans une entreprise. Cinq responsables d'un call-center près de Florence dans le centre de la péninsule ont été arrêtés pour avoir maltraité une dizaine d'employés, notamment en leur interdisant les pauses pipi ou en leur donnant des coups de fouet.
Va-t-on abolir la pause-café en Italie ?
La fessée bientôt illégale ?

Le règlement interne de l'entreprise était simple : si les objectifs fixés aux salariés du call-center, chargés de vendre des aspirateurs anti-acariens, n'étaient pas remplis, l'employé en faute se voyait rabrouer de façon humiliante en présence de ses collègues. L'employé dont la productivité n'était pas jugée suffisante pouvait recevoir des coups de fouet sur les jambes. Il était interdit de se lever pour aller aux toilettes tant que les vendeurs n'avaient pas engrangé un nombre d'appels ou de rendez-vous suffisants. En outre, chaque journée de travail débutait sur les notes de l'hymne national italien, tous les employés se tenant par la main.

Aspirateur à 3500 euros

Les employés étaient recrutés via des petites annonces dans les journaux, qui promettaient des primes et des commissions sur les ventes. Les futurs employés étaient appâtés par le train de vie luxueux des dirigeants du call-center (voitures et habitations de luxe). Selon les enquêteurs cités par le quotidien La Repubblica, les employés devaient prendre le plus de rendez-vous possible pour permettre aux vendeurs de placer l'aspirateur, d'une valeur réelle de 350 euros, vendu plus de 3500 euros ou à raison de 60 mensualités de 94 euros. Chaque nouveau vendeur était accompagné d'un "ancien" qui l'incitait à placer ses aspirateurs auprès de ses amis et de sa famille. Les objectifs fixés pour obtenir des primes ou récompenses (parmi lesquelles des voyages exotiques) étaient quasi-impossibles à atteindre et les horaires de travail très lourds (jusqu'à 14 heures par jour), ce qui entraînait un turn-over important dans l'entreprise.

La police italienne a enquêté pendant trois ans sur les agissements de la société Italcarone, installée à Incisa in Val d'Arno, près de Florence, et de ses dirigeants, qui sont en outre accusés d'association de malfaiteurs et de fraude fiscale. Les ventes au noir, selon la brigade financière, se monteraient à 4,5 millions d'euros.

Sans commentaire mais avec une moralité là encore: certains chefs d'entreprises et actionnaires seraient-ils plus dangereux pour la santé que les acariens?